Cependant dans ces premiers Poèmes dramatiques, ainsi que dans ces derniers, l’Auteur se proposait pour but principal de plaire à ses Spectateurs : car soit qu’il voulut les corriger, soit qu’il voulut simplement les amuser, il est certain qu’il ne pouvait réussir ni dans l’un ni dans l’autre de ces projets, qu’en faisant sur leurs esprits une impression, qui leur rendit aimables ou ses leçons ou ses jeux ; si quelques Poètes n’ont pû arriver à ce but ce n’est point la faute du Théâtre, mais uniquement de l’Auteur ou de l’Acteur, comme on va tâcher de le faire sentir. Le Théâtre devant réprésenter des actions humaines, soit les actions éclatantes des grands Hommes telles qu’on en voit dans la Tragédie, soit les actions communes des hommes ordinaires comme dans la Comédie, il est évident que l’art principal de ce Spectacle doit consister à imiter la nature, en sorte que le Spectateur croit voir ceux qu’on lui représente, et soit affecté de la même manière qu’il le serait si l’action représentée se passait réellement devant ses yeux. […] C’est là, je pense, une des principales causes qui, dans les premiers siècles du Christianisme, a engagé les Pères de l’Eglise à proscrire le Théâtre des Payens ; et c’est peut-être par la même raison que de nos jours les personnes pieuses se font un devoir de s’abstenir du Théâtre, et même de le condamner.