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21. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — PREMIERE PARTIE. — CHAPITRE II. De la passion d’amour sur le Théâtre. » pp. 18-35

Suivant le sentiment des personnes les plus graves, l’amour et les femmes fournissent les deux principaux motifs de la réformation du Théâtre ; mais je suis persuadé que quiconque proposerait de les en bannir, bien loin d’être écouté, ne ferait que s’attirer les railleries de la plus grande partie des hommes. […] Les Modernes, au contraire, n’ont adopté que le faible de cette passion, qui, dans ce point de vue, n’est propre qu’à corrompre, comme nous l’avons dit ; et il y a même cette différence entre les Modernes et les Anciens, que les Anciens n’ont mis l’amour sur leur Théâtre que très rarement, et que les Modernes en ont fait le motif principal et le fondement de toutes leurs fables. […] Les meurtres, les usurpations, les infidélités, les trahisons, le mépris des Loix, les conspirations, etc. sont ordinairement le fruit que l’amour produit sur la Scène dans les Tragédies ; et dans les Comédies, qui font ici mon objet principal, c’est l’amour qui cause les divisions dans les familles, le mépris de l’autorité paternelle, la violation de la foi conjugale, la dissipation des biens, et tous les vices enfin où se livre un jeune homme qui ne connaît rien de sacré, quand il s’agit de satisfaire sa passion.

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