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84. (1640) Lettre apologétique pp. 2-42

Sa plume qui est le truchement de ses pensées, et ses écrits le symbole de ses mœurs, font connaître, que ses œuvres sont l’image de son esprit, et son visage étant l’âme raccourcie de son naturel et le miroir de son cœur, montre par la débilité de son cerveau, que ses sens sont égarés, et que son jugement a sorti les bornesc de la raison, par ce grand débordement d’injures dont son libelle est rempli : Ce Casuiste semble avoir mal pris ses mesures, d’avoir voulu faire un parallèle, de la Profession des anciens Histrions, à celle des Comédiens ; d’autant qu’il n’y a aucune affinité ni correspondance entre leurs exercices, l’une étant un pur batelage et souplesse de corps, et l’autre une représentation d’une fortune privée, sans danger de la vie, comme témoigne Horace, en son livre, de Arte d, « Comedia vero est Civilis privataeque fortunae sine periculo vitae comprehensio » ; Je sais bien qu’il y en a plusieurs, qui ne sachant pas la différence de ces deux professions, confondent l’une avec l’autre, et sans distinction de genre, prennent leur condition pour une même chose ; Mais il y a une telle inégalité entre elles, qu’il est facile de juger par la diversité de leurs fonctions, qu’elles n’ont nulle conformité ensemble, car celle des histrions n’est comme j’ai déjà dit qu’une démonstration d’agilité de corps et subtilité de main, mais l’autre étant une action plus relevée, fait voir qu’elle est une école des plus belles facultés de l’esprit, et où la mémoire fait un office digne d’admiration ; l’antiquité nous apprend qu’autrefois les Romains avaient ces Bateleurs en quelque considération, à cause du divertissement qu’ils donnaient à leurs Empereurs, mais ayant abusé du crédit qu’ils avaient obtenus du Sénat, s’adonnèrent à toutes sortes de licences pernicieuses, ce qui obligea la ville de Rome de les chasser, et particulièrement un nommé Hyster, qui s’étant retiré à Athènes, fut suivi d’une bande de jeunes hommes, auxquels il enseigna ses tours de passe-passe et autres parties de son métier, et furent appelés Histrions, du nom de leur Maître, ces Libertins s’ennuyant de demeurer si longtemps dans un même lieu, prirent résolution de revenir à Rome pour exercer leurs jeux : Mais l’Empereur Sévère, ne pouvant souffrir ces Ennemis des bonnes mœurs, fit publier un Edit, par lequel ils furent pour la seconde fois bannis de tout le pays latin ; Lisez ce qu’en dit Eusebius, et Prosper Aquitanus, sur la remarque des temps et des siècles : Pour le regard des Mimes, ou Plaisanteurse, ils ont pris leur source d’un certain bouffon appelé Mimos qui signifie en langue grecque Imitateur, d’autant qu’en ses représentations il contrefaisait divers personnages, et imitait les façons des uns et des autres. […] Justin Martyr, dans une Apologie à l’Empereur Antoine, fils d’Hadrien, déclame puissamment contre ces dissolus, de ce qu’ils imitaient le Baptême des Chrétiens ; Denis Evêque de Corinthe, en ses observations des jours de Dimanche, se plaint contre ces Corrupteurs de jeunesse, d’avoir pris des habits Sacerdotaux en dérision des Evêques. […] Qu’il considère combien la Calomnie est préjudiciable à la réputation des hommes, et comme elle opprime la vertu des plus justes actions, que sa rigueur a troublé les plus grands des siècles passés, qu’elle a décoché ses traits contre les plus vertueux, qu’elle a été le fusil de la division des choses, qu’elle a ruiné l’harmonie de l’amitié des hommes, qu’elle a pris l’innocence à partie, qu’elle a essayé de corrompre toute la terre, bref qu’elle n’a rien exempté du joug de son pouvoir, puisque Dieu même a subi la force de sa tyrannie ; par le blasphème des Juifs, qui l’appelaient séducteur, corrupteur des lois, ennemi de l’Etat, un séditieux, un larron, et autres impiétés opposées diamétralement à l’éclat de ses belles vertus. […] Il n’a trouvé de crédit que parmi les beurrières pour peser leur marchandise, et le libraire qui l’a imprimé s’est trompé, en ce qu’il l’a plutôt pris au poids de la main qu’au jugement. […] Je le conjure en finissant cette lettre, de se servir en tous ses discours des armes de la Déesse Adrastie, que les anciens figuraient un mors dans la main, enseignant par cette figure emblématique, qu’il est nécessaire que les Détracteurs donnent un frein à leur langue, quand ils se jettent trop avant dans l’excès de la médisance : Cette bonne Déesse dit Artémidore, fut adorée par les Egyptiens, comme étant celle qui prenait la défense des Innocents, pour les venger de la persécution des Calomniateurs.

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