Cette faute, qui fut toujours celle des premiers Poëtes Tragiques, est excusable lorsqu’elle ne dure pas longtems. […] Maffei, s’appuyant sur l’autorité de Ronsard, a avancé dans la Préface de sa Traduction du premier Livre de l’Iliade) je puis répondre que nos Vers ont toutes ces graces dans la bouche de ceux qui savent les prononcer. […] On ne peut attribuer cette sagesse du premier & du plus grand des Poëtes qu’à l’idée qu’il se fit de son Art : il sentit que les descriptions amusantes, badines, voluptueuses, ne pouvoient trouver place dans la Poësie Epique, où tout doit être grand, sérieux & utile. […] Quichotte, un Chevalier sans amour, est un arbre sans feuilles & sans fruit, un corps sans ame, Quoique bon Chrétien & très dévôt, il étoit si amoureux, qu’avant que de commencer ces combats dont l’occasion se présentoit si souvent, son premier devoir étoit de se recommander à la Dame de ses pensées : ce qui ne nous dispense pas, ajoute gravement D. […] Si nos premiers Poëtes eussent connu leur Art, ils eussent pensé tous, qu’un Poëme dont l’objet est d’exciter la plus grande émotion, ne devoit point prendre pour Passion ordinaire, celle qui ne cause ordinairement qu’une foible émotion : mais aucun de nos premiers Poëtes Tragiques n’avoit, comme je l’ai dit plus haut, étudié son Art : ils ne songeoient qu’à satisfaire le goût de leurs Spectateurs.