L’Expérience a toujours fait connaître que le Théâtre est une très méchante école de la vertu ; et que les moyens que les Poètes semblent employer pour corriger les hommes de leurs vices, sont plus propres à les y entretenir, qu’à les en délivrera […] Outre cela, quoiqu’en disent les Poètes, leur dessein est plutôt de rendre le vice aimable que honteux. […] Pour en donner de l’horreur, le Poète auroit dû, non pas feindre ces succès imaginaires qui n’arrivent jamais ; mais rapporter simplement les malheurs où s’engage infailliblement un jeune homme, qui se marie à l’insu ou contre la volonté de ses parents. […] Il est vrai que les Poètes ne louent pas ces vices, mais en louant les personnes en qui ils se trouvent, et les couvrant de tant d’excellentes qualités, ils font que non seulement on n’a pas de honte de leur ressembler, mais qu’on fait gloire d’avoir leurs defauts, C’est ainsi que faisaient les disciples de Platon, qui contrefaisaient ses hautes épaules ; et ceux d’Aristote, qui affectaient de bégayer comme lui. […] Le mal a plus de force que le bien sur l’esprit de l’homme, et s’il se trouve une personne qui imite quelqu’une des vertus des Héros des Poètes, il y en a mille qui sont les imitateurs de leurs vices.