Cet homme unique avoit dans sa jeunesse aimé les spectacles & tous les plaisirs, il fut même Poëte, médiocre à la vérité, mais bon pour le temps. […] Quelques vers du Marquis de la Faré, qu’on trouve à la suite des Poésies de Chaulieu son intime ami & son compagnon de débauche, n’ont d’autre mérite que le libertinage & l’irréligion, il les appelle lui-même présens de la seule nature enfantement de mon loisir ; dans son Ode à la paresse sa bonne amie ; mais c’est un grand mérite, il a fait dire par un Poëte sous le nom d’Apollon : je chantois, la Fare écrivoit . […] Campistron, Poëte aux gages du Duc de Vendôme, fit les paroles de l’opéra, & Lulli la musique : le grand Prieur, Chaulieu & moi, dit-il, y avions chacun notre maîtresse, Actrice de l’opéra, qui y vinrent jouer. […] Richelieu, j’eus ce foible, il est vrai, mais le plus grand des hommes seroit celui qui n’en auroit qu’un, le mien fut de vouloir qu’on me crût aussi grand Poëte que j’étois grand politique ; ma joie fut plus vive de voir accueillir Marianne, que de voir apporter les clefs de la Rochelle. […] La tyrannie d’Henri VIII, l’horreur des persécutions, l’embarras des factions, les guerres civiles, les troubles de religion, ne laissoient pas le temps de cultiver la scène & avoient monté la Cour & la nation Britannique naturellement sombre, sur un ton grave & sérieux, fort apposé à la bouffonnerie & à la licence : le règne de la vierge Elisabeth fut plus favorable à Thalie, il vit paroître le fameux Shakespear qui en fit la gloire dramatique ; c’est le créateur de la tragédie Angloise, comme Corneille de la tragédie Françoise ; les Anglois le mettent de pair avec ce Poëte, quoiqu’il lui soit fort inférieur.