Un Spectacle où l’on est médiocrement ému, mais où les sens sont agréablement affectés ; où l’esprit débarrassé du soin & privé du plaisir de suivre une intrigue, peut donner toute son attention à de jolis airs, quoiqu’adaptés à des paroles vides, dut & devra toujours plaire à la plus légère des Nations : telles sont les Comédies-Ariettes. […] L’on sent bien que, quelles que soient les mœurs d’un Petit-maître & ceux de la Coquette qui le subjugue, ils ne trouveraient pas grand plaisir l’un & l’autre, à répéter des couplets indécens, mais pourtant mille fois au-dessous du libre de leurs conversations particulières & de leurs Billets-doux : c’est du tendre qui les charmera : ils se passioneront en le chantant : c’est un sentiment inéprouvé ; c’est du neuf pour eux ; ils en sont enchantés : sans rien sentir, ils soupirent, & par des mouvemens passionés, ils mentent, avec une volupté qu’eux seuls peuvent apprécier, le sentiment qu’ils ne connaissent pas. Et voila du plaisir, mais du plus vrai, pour un siècle-bagatelle, où la partie aisée de la Nation est en enfance, & la partie peuple… je me tais. […] Il ne m’a falu que très peu de temps pour m’apercevoir qu’à tous les Théâtres de la Capitale, l’épicurisme des bons Comédiens, & le Jeu des mauvais, effarouchent aujourd’hui les Spectateurs délicats : on s’abstient d’aller à telle Pièce, qui fait un plaisir infini, parce qu’on souffrirait trop à la voir estropiée par une Actrice grimacière, un Comédien hideux, ou froid, ou servile imitateur du Jeu d’un autre. […] Je crois que l’on pourrait faire de bonnes Pièces Françaises, où l’on aurait soit un Arlequin, un Scapin ; soit un Pantalon, un Docteur ; soit un Scaramouche, un Mézetin, un Trivelin ; j’en dis autant des Acteurs des Parades : on vient de voir avec plaisir, dans le Tableau-parlant, Isabelle, Colombine, Cassandre, Léandre & Pierrot.