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24. (1764) De l’Imitation théatrale ; essai tiré des dialogues de Platon : par M. J. J. Rousseau, de Genéve pp. -47

Ainsi jamais il ne dépend d’eux de juger de la chose imitée en elle-même ; mais ils sont forcés d’en juger sur une certaine apparence, & comme il plaît à l’imitateur : souvent même ils n’en jugent que par habitude, & il entre de l’arbitraire jusques dans l’imitation*. […] Le premier plaît sans instruire ; le second instruit sans plaire. […] Mais le Poëte, qui n’a pour juge qu’un peuple ignorant auquel il cherche à plaire, comment ne défigurera-t-il pas, pour le flatter, les objets qu’il lui présente ? […] Enfin, de quelque sens qu’on envisage le Théâtre & ses imitations, on voit toujours, qu’animant & fomentant en nous les dispositions qu’il faudroit contenir & réprimer, il fait dominer ce qui devroit obéir ; loin de nous rendre meilleurs & plus heureux, il nous rend pires & plus malheureux encore, & nous fait payer aux dépens de nous-mêmes le soin qu’on y prend de nous plaire & de nous flatter. […] Nous ne sçavons point encore si notre systême de musique n’est pas fondé sur de pures conventions ; nous ne sçavons point si les principes n’en sont pas tout-à-fait arbitraires, & si tout autre systême, substitué à celui-là, ne parviendroit pas, par l’habitude, à nous plaire également.

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