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301. (1758) P.A. Laval comédien à M. Rousseau « P.A. LAVAL A M.J.J. ROUSSEAU, CITOYEN DE GENÈVE. » pp. 3-189

Ils se rassemblerent dans les places publiques, et; là élevés sur deux treteaux, ils furent à l’égard des véritables Comédiens, ce que sont à peu près vis-à-vis de nos Prêtres ces misérables vendeurs d’images, qui avec une apparence de dévotion, s’érigent en Prédicateurs, et; rassemblent le menu peuple qui paye leurs sermons par l’achat d’un St.  […] Je pourrois, si j’osois, vous nommer un homme en place qui, après la représentation de Nanine, rentra avec précipitation chez lui pour ordonner à son Suisse de ne refuser sa porte à qui que ce fût, pas même aux souguenilles et; aux sabots, ce furent ses propres termes ; le Suisse fut si fort étonné du discours de son maître, qui jusques là n’avoit apparemment pas été fort débonnaire, qu’il dit à un valet de chambre qui se rencontra près de lui, morbleu si je n’avois apperçu Mlle. […] car s’intéresser pour quelqu’un, qu’est-ce autre chose que se mettre à sa place ? […] Il n’y a pas plus de honte à faire payer les places à la Comédie que les chaises au Sermon. […] Toute femme jolie et; fêtée n’a pas beau jeu dans le cercle de sa voisine. » Je sens que dans une compagnie composée de femmes seulement, il faut bien chasser l’ennui aux dépens de la réputation du prochain, toutefois vous trouvez « qu’il y a dans cet inconvénient plus de bien que de mal, et; qu’il est toujours incontestablement moindre que ceux dont il tient la place ; car, demandez-vous, lequel vaut mieux, qu’une femme dise avec ses amies du mal de son mari, ou que, tête-à-tête avec un homme, elle lui en fasse, qu’elle critique le désordre de sa voisine ou qu’elle l’imite ? 

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