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65. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quinzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre IV. Christine de Suede. » pp. 111-153

Ni le Saint ni le Philosophe ne descendent du trône pour courir le monde en avanturier qui écoute toutes les passions, qui joue toutes sortes de rôles, qui se moque des loix de la décence, ne donne aucune marque de piété, quitta-t-il l’empire du monde, ne grossira jamais la liste des Héros & des Saints ; les éloges dont on comble son libertinage ne peuvent que couvrir de honte ses flatteurs, & la vanité de se faire un mérite d’une démarche forcée, ne peut que couvrir de ridicule celui qui veut prendre l’univers pour dupe. […] Ce grand homme n’étoit pas fait pour être un tabarin ; l’élévation de son esprit, sa sublime géométrie, sa profonde métaphysique, son système du monde, son caractère sérieux ; sa vie triste & errante, que ses persécuteurs lui firent mener, l’objet qui l’avoit fait venir en Suêde, pour expliquer sa philosophie à la Reine, elle voulut se donner la comédie en y faisant travailler le plus grand Philosophe. […] Sur le bord d’un ruisseau qui sépare le Dannemarck de la Suède, comme Jules-César sur le Rubicon, elle saute lestement & à pieds joints le petit ruisseau, & courant à toute jambe, s’écria de toutes ses forces je suis libre, comme ce fou de Philosophe qui jeta tout ce qu’il avoit dans la mer, puis s’écria : je suis libre. […] On trouvera cette pièce & bien d’autres dans les œuvres de Ménage, en particulier dans son Histoire Latine & Italienne des femmes philosophes. […] Ce langage des philosophes du temps qui n’estimoit que leur prétendue sagesse, & méprisent la sainteté, est une absurdité aux yeux des Chrétiens.

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