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364. (1666) La famille sainte « DES DIVERTISSEMENTS » pp. 409-504

De plus en un honnête entretien la même personne ne parle pas toujours, chacun y vient à son tour, et cette aimable variété fait comme une espèce de Comédie imprévue, où il y a autant de personnages qu’il y a d’hommes qui veulent parler. […] Les Danseurs qui savaient bien que cet horrible spectre n’était point du jeu, s’arrêtèrent tout court, et ne doutèrent point que ce personnage ajouté ne fut la prédiction de quelque malheur : ils furent du moins aussi bons Prophètes qu’ils avaient été bons Danseurs ; car à quelques jours de là on en vit l’effet. […] Le monde est le théâtre sur lequel chacun monte à son tour ; il en est de nous qui font deux ou trois personnages ; d’autres n’en font qu’un : C’est-à-dire que les uns viennent en divers actes et en postures différentes, et que les autres comme ils n’ont qu’une condition, ne paraissent que sous un même habit ; on peut dire des uns et des autres que quand ils sont morts la Tragédie est jouée ; de là nous allons tous en l’autre monde pour y rendre compte si nous avons bien ou mal fait. Notre Juge n’a pas tant d’égard au personnage que nous avons représenté qu’aux soins que nous avons apportés pour le bien faire, c’est là-dessus que notre peine ou notre récompense se mesure ; on ne nous demande point si notre emploi était grand ou petit, noble ou roturier : moins encore si nous avons tenu longtemps la Scène ou non : Tout consiste à voir comme quoi nous nous sommes acquitté de notre commission ; il arrive souvent que le valet l’emporte sur son maître, et que le drap d’or est contraint de céder à la bure.

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