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234. (1684) Sixiéme discours. Des Comedies [Discours sur les sujets les plus ordinaires du monde. Premiere partie] « Sixiéme Discours. Des Comedies. » pp. 279-325

Il n’est pas permis de voir, selon le sentiment de ce grand Personnage, ce que Dieu défend de faire ; on ne peut pas regarder avec innocence ce qu’on ne pourroit accomplir sans peché, & ces ordures ne pouvant sortir de la bouche, qu’elles ne soüillent & la langue, & l’ame, de quelle maniere entreront-elles par les yeux & par les oreilles sans infecter l’esprit, le cœur, & les sens mesmes qui leur accordent le passage ? […] Ces vastes Provinces acquises à Jesus-Christ, & sanctifiées par le sang des millions de Martyrs, éclairées par un si grand nombre de sçavans & de saints Personnages ; par des lumieres aussi éclatantes, aussi pures, & aussi incorruptibles que celles du Ciel, gouvernées par un si grand nombre de Pasteurs qui sont encore honorez aujourd’huy comme les oracles, comme les maistres, & comme les modelles de l’Eglise, peuplées par un si grand nombre de Saints & de sçavans Religieux, sujetes à des Empereurs dont plusieurs ont esté si vaillans, si justes, si Chrêtiens : ces vastes Pays, dis-je, soûpirent dans l’esclavage, gemissent sous la tyrannie & sous l’infidelité des barbares, sont perdus par l’heresie. […] Ils ne manquent pas d’aposter des domestiques, des confidens, des Conseillers, qui semblent détourner les principaux personnages des crimes qu’ils sont disposez de commettre ; la passion est si forte qu’elle surmonte tous les obstacles, elle trouve des conseils & des secours pour se satisfaire, ou par adresse, ou par force ; ces passions violentes font sans doute quelque impression dans l’esprit des spectateurs ; elles leur apprennent à refuter les remontrances des amis & des parens, à s’opiniâtrer dans de méchans desseins, à trouver les moyens de les accomplir, & de se contenter. […] la delicatesse du saint Esprit, si j’ose avec luy me servir de ce terme, & qu’il ne leur est pas permis d’aller à la Comedie, parce que les agitations differentes que les ames y ressentent, pourroient blesser ce divin Esprit, l’obliger de se retirer d’un lieu où son repos seroit troublé, où il ne seroit pas luy-mesme en assurance, de les abandonner par une retraite dont ils seroient la cause, pour n’avoir pas eu la consideration & le respect qu’ils luy devoient, dit ce grand Personnage.

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