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339. (1700) IV. Sermon des spectacles, comedies, bals, etc. [Sermons sur tous les sujets de la morale chrétienne. Cinquiéme partie] « IV. Sermon des spectacles, comedies, bals, &c. » pp. 95-126

il est évident que ce sont ceux, qui à raison de leur dignité, & du rang qu’ils tiennent parmy les autres sont obligez de leur donner exemple, & qui doivent prudemment juger, que leur presence authorifera ces divertissemens, dont on a tout sujet de se défier, & qui par-là, leveront tout scrupule à ceux qui ne sont pas obligez d’avoir les mêmes ménagemens ; parce que leur exemple ne fait point de consequence ; ainsi un Ecclesiastique, un Magistrat, une personne considerable pour sa Charge, pour son Employ, ou pour l’opinion qu’on a conçuë de sa probité ; qu’une personne, dis-je, de ce caractere distingué, se permette ces divertissemens, & contribuë à y porter les autres, & à les faire passer pour des choses absolument permises & indifferentes, c’est un scandale, & plus ces personnes sont reglées dans toutes leurs autres actions, plus ils donnent de hardiesse de les imiter en celle-cy. […] Il n’est pas moins inutile d’ajoûter, que quoyque l’on ne voye guere de pieces de Theâtre sans amour, & que pour l’y faire entrer, on n’a pas même égard à la verité de l’Histoire, pourvû qu’on ne sorte point de la vray-semblance ; neanmoins on n’y represente que des passions legitimes, qui ont pour fin le Mariage, que Dieu même a authorisé, & institué le premier ; parce que l’esprit de ceux qui les voyent representer, ne s’attache qu’à ce qui luy plaît, & fait abstraction des circonstances qui les peuvent justifier ; car ce n’est pas une chose que les Acteurs puissent regler dans ceux qui écoutent, ni arrêter dans les limites qui sont permises, comme fait le Poëte dans ses Vers ; au contraire les spectateurs n’en reçoivent souvent que ce qu’elles ont de criminel ; & elles agissent ensuite selon la difference des dispositions qu’elles rencontrent ; & l’on peut dire, que souvent la representation d’une passion couverte de ce voile d’honnêteté, a plus infailliblement son effet, que les autres les plus illegitimes, parce qu’on est moins sur ses gardes, qu’on s’en défie, & qu’on s’en défend le moins ; aussi agit-elle plus à coup sûr, & sans qu’on se précautionne des remedes qui pourroient en empêcher l’impression : d’où il s’ensuit que ces spectacles sont toûjours dangereux pour tout le monde, & qu’un Chrétien ne doit jamais se fier à sa propre vertu. […] Or c’est ce que nos spectacles, tout innocens qu’on les croit, ont de commun avec ceux des premiers temps, contre lesquels les saints Peres se sont récriez avec tant de force ; aussi pressoient-ils cette raison, quand on leur alleguoit que tous les spectacles n’étoient pas criminels, qu’il y avoit des jeux, des combats de Lions contre d’autres bêtes feroces, des courses de chevaux, & des Tournois qui étoient plus innocens que nos bals & nos comedies : ces Peres répondoient, qu’ils étoient toûjours dangereux à un Chrétien, qui y reprenoit insensiblement l’esprit du siecle, qu’on ne revenoit pas si facilement de la dissipation d’esprit où l’on s’étoit jetté, en se permettant ces divertissemens trop mondains, & que les personnes de pieté devoient s’en éloigner comme d’un écueïl funeste à la dévotion.

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