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198. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — CINQUIEME PARTIE. — Tragédies à rejeter. » pp. 235-265

Ce ne sont pourtant pas là les beautés dont je voudrais qu’on fit usage sur la Scène ; elles seraient admirables dans un Roman : quant au Théâtre de la Réforme, il n’adopterait jamais une passion d’amour telle que celle de Chimène et de Rodrigue ; et ne permettrait pas à un Amant de tuer le père de sa Maîtresse, ni à la Maîtresse d’épouser ensuite son Amant : outre que ce sont là des objets qui, selon moi, ne devraient jamais être présentés aux Spectateurs ; les chemins par où l’on passe, pour arriver à ces excès, avec tant de Scènes de tendresse, ne sont propres qu’à corrompre le cœur humain ; et, quant à moi, je ne l’admettrais point, quelque correction qu’on pût y faire. […] Les avances qu’Elisabeth avait faites au Comte, à ce qu’elle dit elle-même, suffisaient pour bannir de l’âme du Comte toute peur et toute contrainte, en l’engageant à ne point se gêner : cependant, l’effet de cette passion devait se borner à se voir et à soupirer, et le Comte d’Essex, content d’adorer Elisabeth, d’en être charmé, de la plaindre et de se plaindre lui-même, ne pouvait, sans l’offenser, se permettre rien de plus. […] C’est donc après un nouvel examen que j’abandonne cet ouvrage, quelque admirable qu’il me paraisse d’ailleurs, et que j’en fais le sacrifice à la juste délicatesse des bonnes mœurs, qui courraient, à mon avis, trop de risque si on en permettait la représentation.

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