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57. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 3 « Chapitre II. Est-il du bien de l’Etat que les Militaires aillent à la Comédie ? » pp. 20-34

peut-on, sans frémir, passer de la tranchée à la comédie, de l’hôpital au ballet, d’une bataille gagnée ou perdue à un spectacle, et voir dans le même camp élever des monceaux de cadavres et des décorations de théâtre, entendre les gémissements d’une province désolée et les folies d’un Poète comique ? […] Il fit ouvrir chez eux des brelansg, des tavernes, les amusa par la galanterie et les jeux de théâtre, et n’en eut plus rien à craindre : « Jussit cauponas, ludicras artes et lenocinia exercere. » Ainsi ce peuple, jusqu’alors si puissant, efféminé par la mollesse, perdit son courage et sa force. […] Maître de la République Romaine, qu’il ne tint qu’à lui de détruire, toutes ses affaires allèrent en décadence, il fut obligé de quitter l’Italie, et enfin perdit et sa patrie et sa gloire dans les plaines de Zama, où il fut vaincu par Scipion. […] Tel fut le conseil trop juste que donna le faux Prophète Balaam au Roi Balac, qui pensa perdre Israël. […] L’oreille y a gagné, le cœur n’y a pas perdu.

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