/ 328
94. (1738) Sentimens de Monseigneur Jean Joseph Languet Evéque de Soissons, et de quelques autres Savans et Pieux Ecrivains de la Compagnie de Jesus, sur le faux bonheur et la vanité des plaisirs mondains. Premiere partie « Sentimens de quelques ecrivains De la Compagnie de Jesus, Touchant les Bals & Comedies. Premiere Partie. — Entretien troisieme. Le danger des Bals & Comedies découvert par l’Auteur des Sermons sur tous les sujets de la morale Chrétienne de la Compagnie de Jesus. » pp. 26-56

Je vous diray donc, encore une fois, que quoyque ces spectacles, dont on est si passionné, ne soient plus cruels, ni si infâmes qu’ils l’étoient en ces premiers tems, ils ne sont pourtant guere moins dangereux, & qu’eû égard à la disposition de plusieurs, c’est à dire de ceux qui connoissent leur foiblesse, & qui n’en ont déja que trop d’experience sur ce point, c’est sans contredit un peché mortel ; quoyqu’il ne leur soit pas évident qu’ils donneront consentement à toutes les pensées, & à tous les desirs criminels que ces objets pourront faire naître. […] Prenez bien, je vous prie, ma pensée ; car je ne parle point des dangers imprévûs, involontaires, & où le hazard nous a jettez ; je parle de ceux que l’on recherche, où l’on s’expose, & que l’on connoît. […] ou bien, n’est-ce pas mettre en question, si les pensées volontaires, & les desirs que ces objets font naître, & que l’on entretient ensuite, sont défendus par la Loy Chrétienne, qui pour nous obliger à la pureté, se sert des termes les plus forts, & qui tiennent davantage de l’exaggeration, savoir, de nous arracher les yeux, s’il nous sont une occasion de scandale, & où l’Autheur de cette Loy met au rang des crimes le plus énormes, les regards que l’on jette sur une femme à mauvais dessein : Qui viderit mulierem ad concupiscendum eam, jam mœchatus est eam in corde suo. […] Or, s’il y a du danger de s’accoûtumer à entendre des sentimens & des maximes contraires à la Religion que nous professons, si l’Eglise même employe son authorité, pour défendre la lecture des livres suspects, si la compagnie des personnes qui ont toûjours ces maximes à la bouche, ou qui reglent leur vie selon ces sentimens ; est dangereuse, parce qu’ils les inspirent à ceux qui les frequentent ; y aura-t-il moins de danger à les voir exprimer, representer, approuver, écouter les applaudissemens que l’on donne à ceux qui les font le mieux sentir, & qui les font entendre dans l’esprit par la beauté des vers, & des pensées si noblement exprimées ?

/ 328