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35. (1759) Lettre de M. d'Alembert à M. J. J. Rousseau « Chapitre » pp. 63-156

Non seulement on a voulu distraire de leurs peines ces enfants adultes ; on a voulu que ce Théâtre, où ils ne vont en apparence que pour rire ou pour pleurer, devînt pour eux, presque sans qu’ils s’en aperçussent, une école de mœurs et de vertu. […] Vous avez bien de la peine, ajoutez-vous, à concevoir cette règle de la Poétique des anciens, que le Théâtre purge les passions en les excitant. […] Mais les malheurs de la vie privée n’ont point cette ressource à nous offrir ; ils sont l’image fidèle des peines qui nous affligent ou qui nous menacent ; un Roi n’est presque pas notre semblable, et le sort de nos pareils a bien plus de droits à nos larmes. […] Leurs peines viennent ordinairement du cœur, les nôtres n’ont souvent pour principe que la vanité et l’ambition. […] C’est d’après un désir qui m’a paru presque général dans vos concitoyens, que j’ai proposé l’établissement d’un Théâtre dans leur Ville, et j’ai peine à croire qu’ils se livrent avec autant de plaisir aux amusements que vous y substituez.

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