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27. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — Seconde partie. Notes. — [B] » pp. 380-390

Il est des vices contre lesquels les Loix n’ont point sévi ; l’ingratitude, l’infidélité au secret & à sa parole, l’usurpation tacite & artificieuse du mérite d’autrui, l’intérêt personnel dans les affaires publiques, échappent a la sévérité des Loix : la Comédie satyrique y attachait une peine d’autant plus terrible, qu’il falait la subir en plein Théâtre : le coupable y était traduit, & le Public se fesait justice. […] Indépendamment de l’étude réfléchie des mœurs du grand monde, sans laquelle on ne saurait faire un pas dans la carrière du Haut-comique, ce genre présente un obstacle qui lui est propre, & dont un Auteur est d’abord effrayé : la plupart des ridicules des Grands sont si bien composés, qu’ils sont a peine visibles : leurs vices sur-tout, ont je ne sais quoi d’imposant, qui se refuse à la plaisanterie : mais les situations les mettent en jeu. […] Georges-Dandin, où sont peintes avec tant de… sagesse [J’avais peine à le lire] les mœurs les plus licencieuses, est un chef-d’œuvre de naturel & d’intrigue ; & ce n’est pas la faute de Molière si le sot orgueil, plus fort que ses leçons, perpétue encore l’alliance des Dandins avec les Sotenvilles. […] Telle est, dans l’Avare de Molière, la rencontre d’Harpagon avec son fils, lorsque, sans se connaître, ils viennent traiter ensemble, l’un comme usurier, l’autre comme dissipateur… Quant à l’utilité de la Comédie, morale & décente comme elle l’est aujourd’hui sur notre Théâtre, la révoquer en doute, c’est prétendre que les hommes soient insensibles au mépris & à la honte ; c’est supposer, ou qu’ils ne peuvent rougir, on qu’ils ne peuvent se corriger des défauts dont ils rougissent ; c’est rendre les caractères indépendans de l’amour-propre qui en est l’âme, & nous mettre au-dessous de l’opinion publique, dont la faiblesse, l’orgueil sont les esclaves, & dont la vertu même a tant de peine a s’affranchir. […] La politesse gaze les vices ; mais c’est une espèce de draperie légère, à travers laquelle l’œil clairvoyant des autres les découvre sans peine.

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