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3. (1586) Quatre livres ou apparitions et visions des spectres, anges, et démons [extraits] « [Extrait 1 : Livre II, chap. 3] » pp. 104-105

L’Esculape ès Processions Païennes était un Dragon en bosse de toile peinte, qui ouvrait et fermait la gueule, et montrait une langue fendue et noire, par les cordes de poil de cheval que celui qui la portait serrait et desserrait à son plaisir. […] Ces Dragons étaient communément peints en drapeaux et banderoles, lesquelles branlées au vent semblaient comme siffler, et montrer une gueule de Dragon béante et enflée, à mesure que le vent s’entonnait ès replis, et que les banderoles voletaient en l’air, comme Claudian, In tertio consulatu Honorij. — picta Draconum Colla levant multusque tumet per nubila serpens Iratus stimulante Noto. […] A la vérité les Empereurs de Constantinople ont jusques au declin de leur Empire retenu le gonfanon où était le Dragon peint, et l’appelaient Flammulum du Latin, duquel nom tant Cédrène que le Curopalate se servent, et dont vient le mot Français d’Oriflamme et le Flamboler des Turcs. […] Cela ne se fait point parmi nous, et ne sommes tant irrévérencieux b en notre Religion, que de profaner l’honneur de Dieu et des saints : mais en lieu, ès jeux et processions publiques, du moins en quelques-unes, on fait entre les Chrétiens jouer et marcher les Diables en la forme qu’on les peint, non pas enchaînés, encore cela serait tolérable, mais déchaînés, comme si c’était au plus fort du Paganisme, et qu’on voulût représenter des furies enragées dessus un Théâtre ou Spectacle public, non plus de Païens, mais des Chrétiens qui doivent être assurés que le Diable a la puissance bridée.

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