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21. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quinzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre III. Aveux importans. » pp. 83-110

Ces objets n’excitent dans l’ame que des mouvemens doux & tranquilles qui ne portent à aucun péché, & ne favorisent aucune passion, ils invitent même à louer, à aimer, à admirer un Dieu dont ils peignent les perfections, mais les beautés théatrales, vanités des vanités, pompe du monde, attraits de la chair, cette musique efféminée, ces paroles tendres, ces intrigues galantés, ces nudités, ces gestes, ce fard, ce luxe ne viennent que du vice, ne portent qu’au vice, n’entretiennent que les passions les plus criminelles, & ne peuvent que conduire au dernier crime. […] Non quand l’amour les rendroit empressés à nous plaire, la vanité arrêteroit bientôt leurs démarches, & les feroit rougir de leur tendresse ; car quel honneur y a-t-il de triompher des cœurs tels qu’on peint les nôtres ? […] Malgré les revolutions de l’empire des lettres ; je garantis la durée de mes pièces ; qui veut peindre pour s’immortaliser, doit peindre des sots. […] Voilà Moliere justement apprécié, il a étudié les sotises, il les a représentées ; rien de plus facile, il ne faut ni éloquence ni raisonnement, il ne faut que faire ce qu’on voit faire, & la nature a donné à tout le monde une merveilleuse facilité à se moquer ; on est sûr de plaire & d’aller à l’immortalité, en peignant des sots, il y aura toujours des sots dont on verra le portrait, & des gens malins qui aiment à les voir peindre. […] Il y a tom. 2, une lettre singulière d’une femme à Ovide où elle lui fait des reproches d’avoir peint la Déesse Venus sans pudeur & sans vertu ; c’est une querelle faite injustement à ce Poëte qui n’est point l’Auteur du portrait de Venus, & se seroit fait siffler s’il en avoit fait une honnête femme.

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