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15. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre onzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre V. Du Luxe des coëffures. » pp. 115-142

Homere qui connoissoit le foible des femmes, peint ainsi les Déesses avec leurs cheveux frisés, bouclés, agités par le zéphir, parfumés d’ambroisie, à l’exception de Minerve, (la Sagesse) couverte d’un casque, qui fait son ornement ; il ne peint point ainsi les Héros. […] Un vieillard, dit Ausone, oubliant les loix de la vertu, & la decence de son âge, sollicitoit la fameuse Laïs, il en fut méprisé ; il attribua à ses cheveux blancs, le mauvais succès de ses amours ; il les peignit pour faire le jeune homme. […] Saint Clément emploie la même pensée que Martial, qu’il a peut être pris de lui, & qui est belle, il change le nom de Proserpine, & ne parle que de la mort : quittez, dit-il, ces hommes effeminés, qui se peignent les cheveux, les chargent de pommades & des couleurs étrangeres, & de toute la toilette des femmes ; ils croient pouvoir, comme le serpent, dépouiller leur vieille peau, & se rajeunir par le fard. […] Les cheveux fardés & peints en noir, en blond, en chatain, selon la fantaisie des hommes & des femmes, ont donné lieu à une infinité de sarcasmes repandus dans les Epigrammes de Martial & de l’Anthologie, & dans les histoires : en voici quelques-uns ; à force de teindre vos cheveux avec différentes drogues vous les avez fait tomber, toute votre tête semble un œuf, & vous une poule qui l’avez pondu ; vous n’êtes en effet qu’une poule par votre foiblesse, vous avez la barbe blanche & les cheveux noirs, parce que vous peignez l’un & ne pouvez peindre l’autre, à qui croirons-nous de la barbe ou de la tête : Cana est barba nigra est coma, cui credere possum ? […] On peignoit une chevelure sur la tête chauve, ou bien rasée, ou immédiatement sur la peau, ou sur un enduit de pommade, ou d’une espece de plâtre dont on faisoit une calote ; il ne faloit alors qu’une éponge pour rasoir, qui en delayant les couleurs ou le plâtre, laissoit la tête rase ; on se faisoit de même une barbe & une moustache, comme les sauvages de l’Amérique, qui se peignent la face, & les masques de la populace, qui courent les rues, avec un visage barbouillé. 2°.

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