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96. (1705) Sermon contre la comédie et le bal « II. Point. » pp. 201-218

L’Homme ne se contente pas de pécher, il le veut faire tranquillement, il veut suivre ses passions sans être inquiété par des remords importuns, capables d’en empoisonner toute la douceur. Le pécheur le plus stupide a toujours des titres et des couleurs pour se maintenir dans la possession de ce qu’il aime, « il veut, dit saint Augustin, que ce soit la vérité », chaque passion fournit les siennes. […] Plusieurs excès qui excluent du Ciel y sont transformés en vertus, la passion de vengeance qui a si longtemps entretenu la fureur brutale des duels s’y voit non seulement justifiée, mais louée, la patience qui ferait souffrir une injure sans la repousser, serait traitée de lâcheté, de bassesse d’âme et d’infamie, des sentiments impies ou dénaturés qui ne seraient capables que d’inspirer de l’horreur s’ils étaient représentés tels qu’ils sont, produisent un effet tout contraire, et attirent l’affection plutôt que l’indignation par le tour ingénieux de l’auteur et par le moyen du fard dont il les peint. […] Le démon se rendra bientôt maître du corps, de la place, après que vous lui aurez laissé prendre les dehors ; et que lui importe dans le fond par où il se rende maître de votre cœur, je veux que ce ne soit pas par la volupté, n'y a-t-il que cette seule passion qui soit excitée au théâtre, celles d’ambition et de vengeance ne le sont-elles pas également, il lui est assez indifférent que vous soyez voluptueux, vindicatif ou superbe, pourvu que vous deveniez sa conquête. […] , n’allons pas ainsi affronter impudemment le démon dans le lieu de sa dépendance, la partie n’est pas égale, ne multiplions pas nos dangers sans nécessité, il n’y en a que trop à droite et à gauche, et partout où nous portions nos pas, pourquoi réveiller le feu caché sous la cendre, je veux dire exciter des passions endormies qui causeront peut-être une incendie horrible, et prétendre faire un pacte avec l’enfer.

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