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56. (1705) Sermon contre la comédie et le bal « I. Point. » pp. 178-200

Elle fait encore un effet plus malin sur le cœur que sur l’esprit, car si elle gâte ce dernier, elle corrompt l’autre en y excitant les passions et les remuant avec d’autant plus de promptitude et de vivacité, qu’elle y trouve de correspondance, c’est là son but et sa fin principale, c’est ce qui lui attire les applaudissements des spectateurs, la plupart acteurs secrets dans la pièce ; autrement ils s’ennuient, ils languissent, ils s’endorment, et comme dans la lecture ou le chant des Psaumes, on entre dans tous les mouvements et les saintes passions du chantre sacré, qu’on prie avec lui, qu’on gémit, qu’on se réjouit, qu’on passe de l’espérance à la crainte, de la tristesse à la joie, des plaintes aux remerciements, de la frayeur à l’assurance, du trouble à la paix, ici on entre encore plus naturellement dans les divers mouvements des acteurs introduits sur la Scène, le lecteur ou le spectateur est transporté hors de lui-même, tantôt il se sent le cœur plein d’un feu martial, et s’imagine combattre, tantôt agité de mouvements plus doux, il est amoureux, il estime, il craint, il désire, il n’y a point de passion dont il ne sente les atteintes et les émotions. […] L’amour sensuel et profane qui est la plus dangereuse de toutes les passions y est la plus excitée, car la plupart des pièces ne roulent que sur ces sortes d’intrigues, il en est l’âme et le mobile. […] A l’image animée de ces passions, il ne manque guère de s’en élever de pareilles du fond de corruption qui est en nous, tel est l’empire d’une représentation vive sur le cœur humain, lorsqu’elle est accompagnée de discours passionnés, tout y concourt, la déclamation, le port, la geste, les ajustements, la symphonie, n’est-ce pas là jeter de l’huile sur du feu, et aplanir le chemin à un torrent ? […] Tertullien dans un ouvrage exprès qu’il a composé contre cet abus, entreprend de faire voir qu’il est incompatible avec la sainteté de la religion que nous professons, car il est certain dit ce docte Africain, que la recherche des plaisirs sensuels est une des passions la plus violente et la plus tyranniquec de l’homme, et qu’entre les plaisirs, celui des spectacles transporte davantage, ils font revivre les passions dans les cœurs les plus mortifiés, les animent, les fortifient, et après avoir comme extasiés ceux qui se repaissent de ces funestes divertissements, et avoir excité des mouvements d’amour, de haine, de joie, de tristesse, le cœur se ferme à ceux de la grâce plus calmes et plus modérés, et y devient impénétrable. […] Mais supposé qu’il n’y ait rien dans les comédies qui puisse blesser l’innocence, exciter des images dangereuses, et réveiller les passions, supposé qu’il n’y ait rien dans les ajustements, cultu meretricio Prov. 7.

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