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4. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — TROISIEME PARTIE. — Tragédies à conserver. » pp. 128-178

Voilà, selon moi, le modèle le plus parfait que l’on puisse donner de la force de la passion, dont j’ai tant de fois parlé. […] A l’égard même du but qu’on se propose dans ces sortes de Pièces ; et c’est de corriger et d’instruire, il n’y a que deux voies pour y parvenir l’une en présentant le vicieux déshonoré par sa passion, l’autre en faisant voir la passion punie dans le vicieux. La passion d’amour, au contraire, est un Caméléon qui change de couleur à tout instant, suivant le caractère des personnes qui en sont possédées. […] Dans cette Fable on ne voit pas un Acteur qui ne soit vivement possedé de la passion d’amour ; et ce qu’il y a de surprenant, c’est qu’une Pièce, dont le fondement, les motifs et la diction ne respirent que l’amour, me paraît un modèle parfait de la correction que l’on demande pour contenir, dans de justes bornes, une passion si dangereuse. […] Quand les Auteurs se seront imposés la loi de punir la passion d’amour dans leurs Ouvrages, comme ils punissent toutes les autres passions, alors elle sera digne du Théâtre ; parce que la représentation en deviendra utile à la République : mais toutes les fois que la passion d’amour sera non seulement accompagnée de mollesse, mais encore récompensée, comme on ne le voit que trop souvent dans les Pièces de Théâtre ; alors on ne pourra en aucune manière la justifier, et je serai toujours le premier à la condamner.

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