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180. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 1 « LIVRE PREMIER. CHAPITRE I. Le Clergé peut-il aller à la Comédie ? » pp. 10-27

De là tant de railleries amères contre ceux qui ont la faiblesse d’y paraître, leur confusion, leur embarras, leurs déguisements. […] Persuadé que, la sainteté de la vie des Prêtres et la ferveur de leurs prières fait la prospérité de l’Empire et en assure les victoires, par les grâces qu’ils nous obtiennent du ciel, que leurs exemples sanctifient les âmes et nous attirent la miséricorde de Dieu, nous avons appris avec douleur, et ce qui paraît incroyable, que des Diacres et des Prêtres, et ce que nous rougissons bien plus de dire, même des Evêques, jouent à des jeux de hasard, et s’oublient jusqu’à se trouver à la comédie, « scenicorum vel thimelicorum fiunt spectatores ludorum « ; eux qui obligent tous ceux qu’ils baptisent de renoncer aux pompes du démon, dont les spectacles sont une grande partie, « ut abrenuntient pompis Diaboli, quorum non minima pars sunt spectacula ». Justinien défend absolument et sans exception à tout le Clergé, même aux Evêques, d’y paraître davantage. […] On ne peut trop louer la sagesse de M. de Colbert, Evêque de Montpellier, qui défendit à tous les Bénéficiers du Chapitre d’aller au concert, et à tous les Musiciens du Chapitre d’y chanter ; ce qui a été renouvelé par ses deux respectables successeurs MM. de Charency et de Villeneuve, quoique bien différents de sentiments : et cela est si ponctuellement observé par ce vénérable Chapitre, qu’il a chassé de fort habiles Musiciens qui s’étaient émancipés jusqu’à y paraître malgré la défense. […] Dans les provinces, soit qu’il y reste plus de retenue et de timidité, soit qu’on y soit moins libre et plus observé que dans l’immense forêt de la capitale, le Clergé n’a pas encore si bien pris les leçons du monde ; il paraît peu au théâtre.

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