J’avoue qu’il est mal aisé d’assembler tout ce qui est nécessaire à la composition de cette sorte d’ouvrages, d’autant plus qu’il y a peu de modèles dans ce genre d’écrire, et peu d’Auteurs qui soient d’humeur de les imiter. […] Mais ce qui leur paraît de plus rebutant et de plus épineux, c’est que pour donner à ces ouvrages les ornements qu’ils demandent, il faut se remplir des grandes vérités de la Religion, et tirer de l’Ecriture sainte ces riches expressions que nous fournit la divine Poésie du Psalmiste et des Prophètes, et qui sont fort au-dessus de tout ce que l’ingénieuse et savante Antiquité a de plus grand et de plus magnifique. […] J’avouerai qu’à l’examiner dans toute la sévérité de la règle, la critique est raisonnable ; mais s’il fallait s’en tenir à cette parfaite unité qu’on me demande, on aurait à reprocher ce défaut presque à tous les Ouvrages de Théâtre. […] Que s’il faut justifier mon Ouvrage en particulier, il me suffit du moins pour établir l’unité morale que ce commerce qui est entre la Ville et le Camp pour l’exécution de ce qui se passe sur la Scène, se puisse faire vraisemblablement dans moins de temps qu’il ne faut pour satisfaire à la règle de vingt-quatre heures ; et d’ailleurs cette unité de Scène se doit expliquer plus favorablement pour mon Ouvrage, puisque la proximité du Camp et de la Ville était absolument nécessaire dans les Sièges du temps de Judith où l’on ne pouvait battre les murailles de la Ville assiégée, qu’avec des machines. […] Nous avons un illustre exemple dans Polyeucte, et puisque Judith dont l’Histoire est si délicate et si difficile à traiter, n’a pas déplu dans la forme que je lui ai donnée, que ne peut-on pas attendre de ceux qui avec une Muse plus forte que la mienne, voudront entreprendre de semblables ouvrages, et leur donner tous les ornements de la Scène.