Castel fit paroître son clavecin oculaire, & que par l’analogie des couleurs avec le sons, il crut pouvoir donner un concert aux yeux, comme on en donne aux oreilles ; tout le monde lui disoit qu’il devoit pousser plus loin ses découvertes, déterminer la proportion des odeurs & des saveurs, comme celle des couleurs & des sons ; & former un clavecin odorant & savoureux pour le nez & pour la bouche ; il convenoit, & il est certain que les odeurs & les saveurs ont divers dégrès, diverses qualités qui s’accordent ou se combattent, font des consonances ou des dissonances qui plaisent ou déplaisent au goût & à l’odorat. […] Pour bien exécuter ce nouveau chant, on a construit un buffet d’orgues avec tous les tuyaux acoustiques ; à chacun des tuyaux on a adapté une phiole d’une liqueur spiritueuse dont le goût est gradué selon les proportions harmoniques ; chaque phiole a son orifice & une soupape qui s’ouvre ou se ferme selon qu’on lève ou qu’on baisse les touches du clavecin qui y répondent à la place des vents que donnent les soufflets de l’orgue ; la phiole laisse couler de sa liqueur, toutes ces liqueurs se rendent par un conducteur commun à un tuyau où celui qui veut savourer cette harmonie, doit mettre sa bouche pour recevoir les liqueurs à mesure qu’elles découlent ; quand ces liqueurs sont consonnantes, il s’en forme une de leur mélange qui a un goût admirable : ce goût, au contraire, est détestable si elles sont discordantes ; ainsi une main savante flatte agréablement le palais, une ignorante l’empoisonne, comme l’une flatte, l’autre écorche les oreilles. […] L’Église est si persuadée des péchés de l’odorat que dans le premier & dernier Sacrement qu’elle administre aux Fidèles, le Baptême & l’Extrême-Onction, elle fait sur les narines comme sur les yeux, les oreilles & la bouche une onction & une prière particulière pour demander à Dieu la grâce de préserver ses enfans des péchés qu’ils pourroient commettre par l’odorat, & de pardonner aux mourans ceux qu’ils pourroient avoir commis.