La musique & la danse sont des attraits si puissans de la volupté qu’on ne peut s’en défendre qu’en se bouchant les oreilles & se faisant attacher, c’est-à-dire en fuyant l’occasion & s’éloignant du rivage. […] Ces femmes publiques étoient en petit nombre dans un endroit écarté, ne séduisoient que quelque voyageur ; nos Sirenes sont sans nombre dans les plus grandes villes, le théatre est par-tout, & par-tout il est plein de monstres demi-femme & demi-poisson, qui ont la Muse Terpsichore à leur tête, & bien loin de s’enchaîner comme Ulisse, de se boucher les oreilles comme ses matelots, on y court, on les appelle chez soi, on n’a ni assez d’oreilles pour les entendre, ni assez d’yeux pour les regarder, ni assez de langues pour les louer, ni assez de bien pour les payer. […] 4. rapporte un long fragment de Lucien, qui d’un compositeur de ballets fait un homme universel, un génie sublime, mémoire excellente, esprit vif, conception facile, oreille fine, goût sûr, jugement droit, imagination féconde, il doit avoir tout. […] Les repas & les bals n’offroient qu’un assemblage fortuit de danseurs la plupart ignorans, mal faits, mal habillés, mal assortis, sans goût, sans exercice, sans grace, sans oreille ; c’étoit une cohue qui sautoit, trépignoit, faisoit du bruit, & fatiguoit plus qu’elle ne divertissoit. […] Il a une idée, que je crois fausse ; il prétend que le chant ou les instrumens n’ont été mêlés à la danse que par la honte du vice, pour y faire diversion, afin que l’ame occupée par l’oreille, les yeux s’offensent moins de l’indécence des mouvemens.