On se voyoit à la veille d’une grande guerre, n’ayant rien pour en soutenir les frais ; les revers si ordinaires à la guerre, pouvoient aisément flétrir ses lauriers, dont les Ministres & la Reine avoient ceint plusieurs fois son front. […] Ces défauts étoient moins sensibles sous la figure d’un homme ; le juste-au-corps, le chapeau, le plumet étoient son rouge & ses mouches ; elle n’aimoit pas la toilette, se regardoit peu dans un miroir, elle avoit raison, elle n’y voyoit rien qui pût la flatter, elle avoit la parure à sa manière dont elle n’étoit pas moins jalouse qu’une coquette ordinaire l’est de ses pompons, elle ne vouloit pas moins plaire, mais par des traits vifs, étant dépourvue des autres, c’est toujours la même foiblesse, elle ne fait que changer d’objet, cependant on s’y accoutumoit, & après la surprise que causoit une bisarrerie si révoltante ; elle devenoit assez agréable, on pouvoit dire d’elle comme de Madame de Bavière, Dauphine, sauvez le premier coup d’œil. […] Annat Jésuite, Confesseur du Roi, alla lui en faire des excuses ; elle lui dit d’un ton moqueur avec sa brusquerie ordinaire : Je serois fachée de vous avoir pour ennemis, sachant vos forces, j’aimerois mieux avoir quetelle avec un Prince Souverain qu’avec vous ; par cette raison je veux bien être satisfaite, mais je vous assure qu’en cas de confession & de comédie, je ne vous choisirai jamais. […] C’étoit une société de débauchés, sa maison étoit une espèce de serrail d’hommes ; elle avoit à Stocholm des femmes auprès d’elle, c’étoient des Officières en charge, en quittant la Suède elle les congédia toutes, & ne voulut plus avoir que des hommes ; il est très-indécent que des femmes ayent des hommes pour les servir, comme il le seroit aux hommes de se faire servir par des femmes, des Baigneurs, des Tailleurs, des Valets de chambre, des hommes à leurs toilettes, & c’est un des plus grands désordres de Suède ; mais il l’est infiniment davantage de n’avoir que des hommes, les femmes le plus libertines, les Actrices ont des femmes de chambre pour le service ordinaire, mais où a-t-on vu qu’une Princesse n’en eut aucune & se fasse lever, coucher, habiller, déshabiller par des hommes ? […] Ces revers sont ordinaires, il n’y a guère d’Acteurs & d’Actrices dont tôt ou tard les désordres ne déshonorent les talens.