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151. (1674) Le Theâtre François pp. -284

Quelque passion que j’eusse depuis deux ans de donner à vôtre Excellence des marques de la grande veneration que son merite extraordinaire m’a dû inspirer, ie m’y serois mal pris en luy offrant auec mes profonds respects vn ouurage dont l’on ne m’auroit donné nulle bonne opinion, & qui ne pust se promettre qu’vn regne de peu d’années. […] On se hazarde à juger des choses sur la foy d’autruy, il faut auoir vn peu de bonne opinion de soy-mesme, & ne rien áprouuer ou condanner qu’auec pleine connoissance & le discernement que nôtre raison sçait faire du bien & du mal. […] I’ay à parler en celuy-cy de l’vsage de la Comedie, c’est à dire de la fin pour laquelle ie trouue quelle à esté inuentée ; estant bien éloigné de l’opinion de quelques Critiques, qui veulent qu’elle doiue sa naissance à vne debauche de jeunes gens. […] Ie ne suis ny Poëte, ny Comedien : mais i’ay auec les honnestes gens beaucoup de passion pour la Comedie, i’honore fort ceux qui l’inuentent, & i’aime fort ceux qui l’executent, ce qui m’oblige d’en donner icy vn portrait fidelle pour detromper les esprits qui se laissent aller au torrent des opinions vulgaires, qui ne sont pas toûjours ápuyées sur la verité. […] Mais dés qu’vne Republique est en armes, quelque bonne opinion qu’elle ayt de ses forces, tous les diuertissement y cessent d’abord, les Theâtres sont fermez, & les peuples dans vne áprehension continuelle que l’Ennemy ne vienne joüer chez eux de sanglantes Tragedies.

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