Son mari les regarde l’un et l’autre d’un œil de courroux ; et après leur avoir reproché, de toutes les manières les plus aigres qu’il se peut, « la fourbe mal conçue qu’ils lui veulent jouer », enfin, venant à l’Hypocrite, qui cependant a médité son rôle, il le trouve qui, bien loin d’entreprendre de se justifier, par un excellent artifice se condamne et s’accuse lui-même en général et sans rien spécifier, de toutes sortes de crimes ; qu’il est « le plus grand des pécheurs, un méchant, un scélérat ; qu’ils ont raison de le traiter de la sorte ; qu’il doit être chassé de la maison comme un ingrat et un infâme ; qu’il mérite plus que cela ; qu’il n’est qu’un ver, un néant : quelques gens jusqu’ici me croient homme de bien ; mais, mon frère, on se trompe, hélas je ne vaux rien » ! […] Et c’est où il faut reconnaître le suprême caractère de cette sorte de gens, de ne se démentir jamais, quoi qui arrive ; de soutenir à force d’impudence toutes les attaques de la fortune ; n’avouer jamais avoir tort ; détourner les choses avec le plus d’adresse qu’il se peut, mais toujours avec toute l’assurance imaginable, et tout cela parce que les hommes jugent des choses plus par les yeux que par la raison, que peu de gens étant capables de cet excès de fourberie, la plupart ne peuvent le croire ; et qu’enfin on ne saurait dire combien les paroles peuvent sur les esprits des hommes. […] Voilà, Monsieur, quelle est la pièce qu’on a défendue ; il se peut faire qu’on ne voit pas le venin parmi les fleurs ; et que les yeux des Puissances sont plus épurés que ceux du vulgaire : si cela est, il semble qu’il est encore de la charité des religieux persécuteurs du misérable Panulphe de faire discerner le poison que les autres avaient faute de le connaître ; à cela près, je ne me mêle point de juger des choses de cette délicatesse, je crains trop de me faire des affaires, comme vous savez, c’est pourquoi je me contenterai de vous communiquer deux réflexions qui me sont venues dans l’esprit, qui ont peut-être été faites par peu de gens, et qui, ne touchant point le fond de la questionb, peuvent être proposées sans manquer au respect que tous les gens de bien doivent avoir pour les jugements des puissances légitimes. […] Cela étant, et puisque les Philosophes les plus sensuels n’ont jamais douté que la Raison ne nous fût donnée par la Nature, pour nous conduire en toutes choses par ses lumières ; puisqu’elle doit être partout aussi présente à notre âme, que l’œil à notre corps, et qu’il n’y a point d’acceptions de personnes, de temps ni de lieux auprès d’elle : qui peut douter qu’il n’en soit de même pour la Religion, que cette lumière divine, infinie comme elle est par essence, ne doivent faire briller partout sa clarté : et qu’ainsi que Dieu remplit tout de lui-même, sans aucune distinction, et ne dédaigne pas d’être aussi présent dans les lieux du monde les plus infâmes, que dans les plus augustes et les plus sacrés ; aussi les vérités saintes, qu’il lui a plu de manifester aux hommes, ne puissent être publiées dans tous les temps et dans tous les lieux où il se trouve des oreilles pour les entendre, et des cœurs pour recevoir la grâce qui fait les chérir ?