Ces femmes publiques étoient en petit nombre dans un endroit écarté, ne séduisoient que quelque voyageur ; nos Sirenes sont sans nombre dans les plus grandes villes, le théatre est par-tout, & par-tout il est plein de monstres demi-femme & demi-poisson, qui ont la Muse Terpsichore à leur tête, & bien loin de s’enchaîner comme Ulisse, de se boucher les oreilles comme ses matelots, on y court, on les appelle chez soi, on n’a ni assez d’oreilles pour les entendre, ni assez d’yeux pour les regarder, ni assez de langues pour les louer, ni assez de bien pour les payer. […] Dans ce tableau on voit une grande salle (le bal de l’opéra) jonchée de fleurs, éclairée par des lustres ; d’un côté des filles qui dansent, d’un autre des gens à table, d’autres enfin qui écoutent des instrumens de musique (un Wauxhal) ; Comus au milieu, couronné de roses, comme tous les autres, la joie dans les yeux, le souris sur les lèvres, enivré de plaisir, se soutenant à peine sur ses pieds, s’appuyant d’une main sur un épieu, tenant nonchalamment de l’autre un flambeau allumé qu’il laisse pancher. […] Il a une idée, que je crois fausse ; il prétend que le chant ou les instrumens n’ont été mêlés à la danse que par la honte du vice, pour y faire diversion, afin que l’ame occupée par l’oreille, les yeux s’offensent moins de l’indécence des mouvemens.