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147. (1766) Réflexions sur le théâtre, vol 5 « Réflexions sur le théâtre, vol 5 — REFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE CINQUIÈME. — CHAPITRE IV. De la Médisance. » pp. 80-99

L’Historien continue : Le Roi & la Reine d’Angleterre étoient ravis qu’on peignît le Pape Innocent XI, qui avoit contribué à les détrôner, comme un aveugle à qui le Diable avoit crevé les yeux : Et l’enfer couvrant tout de ses voiles funèbres, Sur les yeux les plus saints a jeté ses ténèbres. […] Or si jusques sous les yeux du Roi, sous la direction d’une Dame pieuse, dans une communauté religieuse, dans un sujet tout saint, un Poëte naturellement poli, doux, modeste, d’une morale sévère, & même alors converti, n’a pas épargné les personnes de la Cour les plus distinguées, un Ministre puissant, le Roi lui-même & le Pape, quelles mesures doivent garder dans un théatre public un vil amas d’Acteurs, sans naissance, sans éducation, sans religion & sans mœurs ? […] ses oreilles ne sont frappées que des médisances, ses yeux que des ridicules qu’on lui montre avec tout l’art des plus grands maîtres. […] Tout est pantomime, les yeux, les mains, la tête, la posture, le ton de la voix, le tour de la phrase, le souris, la démarche, tout peint, tout est imité ; maîtres, amis, parens, gens graves, stupides, savans, &c. rien n’épargne, rien n’est épargné.

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