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138. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE IV. Suite des effets des Passions. » pp. 84-107

L'imagination du spectateur est souvent froide, engourdie, distraite ; celle de l'Auteur, communément belle, vive, cultivée, a formé ce tableau vivant, et en anime tous les traits, pour frapper les yeux et le cœur. L'Acteur y ajoute le coloris des gestes, des airs, des inflexions de voix, de la parure, avec un art infini et continuellement exercé, qui met sous nos yeux de la manière la plus pittoresque, ou plutôt réalise toutes ces passions de la manière la plus séduisante, et s'y donne la plus libre carrière. […] En parlant de son habit, et de son état, cet Abbé dit avec la plus insolente indécence : « Cet habit-là, Madame, et rien, c'est à peu près la même chose ; on le prend pour tromper les yeux. […] Cet époux, cet ami qui vous mène à la comédie, cette fille, cette amie que vous y menez, y périssent à vos yeux par le péché. […] Le théâtre voltige sur tout, le spectateur y est toujours hors de lui-même, son âme est toute dans ses yeux et dans ses oreilles, il est ravi et en extase ; étranger chez lui et craignant d'y rentrer, il se dissipe de plus en plus, s'arrache des bras de la vertu, pour se jeter au milieu des tempêtes et des écueils de toutes les passions : « Desolatione desolata est terra, quia nemo est qui recogitet corde.

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