Le Peintre ne parle qu’aux yeux, le Musicien à l’oreille, le Poëte à l’imagination ; encore n’ont-ils qu’un langage sourd, une expression obscure : le Spectateur est obligé de se prêter, d’y mettre continuellement du sien : sinon un goût décidé, une intelligence particuliere ; du moins une attention laborieuse. […] Combien n’est-il pas de cas où ils sont même obligés de faire des frais particuliers ? […] Enfin la différence qu’il y a entre l’Acteur & l’Auteur est sensible : c’est que celui-ci quelqu’affecté qu’on le suppose, ne fait toujours que tracer la vérité ; au lieu que l’autre est obligé de la rendre : c’est à-dire, que le premier n’est qu’une ombre en quelque sorte ; au lieu que le second est la réalité même. […] Mais aux Spectacles le génie trouve sa leçon, & le tact sa régle : c’est-là qu’on apprend en un mot à connoître la nature, à distinguer ses traits qui sont toujours modestes & simples, d’avec ceux de l’art, qui sont toujours au contraire ambitieux & fiers ; parce qu’il n’est rien dans l’empire des lettres qui soit plus étroitemens obligé que les Spectacles à rapporter la nature : c’est-elle qui fait la gloire & le triomphe d’une Piéce quand on la saisie : c’est-elle qui lorsqu’on la manque, en fait l’échec & la confusion.