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84. (1777) Des Spectacles « Des Spectacles. » pp. 75-92

La Religion n’est pas entendue dans un si grand fracas de plaisirs ; rien n’est du goût que ce qui flatte les sens, et parmi tant d’objets si capables de plaire, et qui plaisent en effet, l’âme sera-t-elle maîtresse de ses désirs ? […] Quelle si délicate pudeur, quelle innocence si austère, exposée sans préservatif à l’air du monde le plus contagieux, au milieu d’une foule d’objets tous fort tentants ; en butte et à découvert à une grêle de traits empoisonnés, peut sans miracle n’être point blessée ? […] Une salle, le rendez-vous de tous les libertins, et de tout ce qu’on appelle dans une ville gens oisifs, gens de plaisirs : peu dont les mœurs ne soient corrompues, moins encore qui soient de bonnes mœurs : une assemblée où règne un luxe étudié, où tout éblouit, où tout brille, et dans laquelle il ne se trouve pas une jeune personne qui n’ait employé tout ce que l’art a de plus séduisant pour plaire et pour tenter : Des loges pleines d’écueils d’autant plus dangereux qu’ils sont plus à couvert, et d’où les yeux peuvent rassembler plus d’objets à la fois, tous plus à craindre. […] un objet trop mondain vu par hasard, un mot trop libre dit sans dessein, une lecture peu modeste faite sans malice, mettent en danger la vertu la plus affermie, et sont très souvent des sources de réprobation : et tout ce que la passion a de plus vif et de plus empoisonné, tout ce que l’art de tenter a de plus fin et de plus poli ; un assemblage de tout ce qui peut séduire, ne sera ni une occasion prochaine de péché, ni un manifeste danger à des gens nourris, la plupart dans une criminelle mollesse, nourris même dans le péché !

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