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83. (1777) Des divertissements du Carnaval « Des divertissements du Carnaval. » pp. 92-109

Quel mal il y a de passer une partie du jour au jeu, presque toute la nuit au bal ; ne repaître ses yeux que d’objets lascifs et séduisants ; ne reconnaître d’autre Dieu que le plaisir, ni d’autre maître que la passion ; se confondre dans un tas de libertins, les sens sans retenue, le cœur sans garde, l’esprit sans modération ; être de toutes les parties de divertissements, éternellement avec tout ce qu’il y a de moins régulier et de plus dissolu dans une ville : car de quels autres sujets pendant le carnaval peuvent être composées ces assemblées si libres, et la plupart nocturnes ? […] La raillerie de ce qu’on est homme de bien, fait autant d’honneur à celui qui en est l’objet, qu’elle décrie chez tous les honnêtes gens le libertin qui raille. […] Dites-leur que le bal est défendu parce qu’il est presque toujours l’écueil de l’innocence, le tombeau de la pudeur, le théâtre de toutes les vanités mondaines, et le triomphe de toutes les passions : que c’est un assemblage de tous les dangers du salut, et un précis vif et piquant de toutes les tentations : que tout y est écueil : que tout y est poison : danses, instruments, objets, entretiens, assemblée, tout y concourt à étouffer les sentiments de piété, à séduire et l’esprit et le cœur : que rien n’est plus opposé que le bal à l’esprit du Christianisme : avec quel mépris serez-vous écouté ! […] Je sais bien qu’il y a des gens qui, à ce qu’ils disent, courent moins de hasard en ces lieux-là que d’autres ; cependant les gens qui composent ces sortes d’assemblées, ont assez de peine à résister aux tentations dans la solitude ; à plus forte raison dans ces lieux-là où les beaux objets, les flambeaux, les violons, et l’agitation de la danse échaufferaient des Anachorètes.

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