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93. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quinzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre II. Suite d’Elisabeth d’Angleterre. » pp. 33-82

Toutes deux sans religion n’en arborant une que par politique & en apparence ; mais ici la Protestante par système, & ambitionnant la gloire d’en composer une nouvelle, & là par indifférence n’en croyant aucune ; Catholique de nom ; n’ajoutant foi qu’anx extravagances de la magie. […] La fastueuse fanfaronnade d’Elisabeth étoit sans exemple ; jamais aucune femme n’a triomphé à Rome, celle-ci n’étoit point guerrière, jamais elle ne mania l’épée ; cette comédie portoit à faux en tout, il n’y avoit pas eu de combat, par conséquent point de victoire, pouvoit-il y avoir de triomphe ; la flotte avoit été dissipée par les vents, c’étoit donc aux vents à triompher, parce qu’ils avoient vaincu ; la vaine enflure de ces paroles est ridicule, veni, elle ne bougea point de son Palais ; vidi, elle n’a vu que les débris de quelques vaisseaux, & les drapeaux qu’on lui apporta ; vici, elle n’a point combattu, ni personne pour elle ; Dux fœmina facti , elle n’a été le chef, le mobile de cet évenement, qu’autant qu’on supposera qu’elle est un Æole qui tenoit les venrs emprisonnés, & leur ouvrit la porte pour soulever les flots, ou d’un moins une nouvelle Junon qui ordonne à Æole de les lâcher contre Philippe, qua data porta tuunt & terras turbine perflant . […] C’est bien dégrader une si grande Reine de la comparer aux Religieuses, & trois Royaumes de les mettre sur la même ligne, avec une cinquantaine de moines qui composent l’Ordre de Fontevrault ; y pense-t-on de justifier la nouvelle Eglise par l’exemple du Papisme que l’on abhorre, & une si petite portion du Papisme à peine connue ? […] Quoique plusieurs Evêques Protestans demandassent à la couronner, selon le rit Anglican : d’Edouard, elle se fit sacrer par un Evêque selon le cérémonial romain, & elle s’en moque, l’anéantit & établit une nouvelle liturgie ; & dans le temps de la cérémonie la plus auguste, la Comédienne & l’impie percent sans pudeur. […] Le massacre de la Saint Barthelemi, dont en bonne Protestante, elle devoit avoir horreur, étoit tout recent, mais c’étoit une occasion d’étaler du faste, & de montrer sa beauté sous un habit de deuil qui lui étoit favorable ; le théatre change de décoration, c’est une pièce nouvelle, où elle joue le plus beau rôle.

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