J’en reviens toujours à mon principe, Monsieur, et ce principe est que tous les hommes tenant plus ou moins à la concupiscence, (voilà un terrible mot à prononcer dans une Lettre ; mais je vous dirai, comme Phèdre dit à sa nourrice, à propos d’Hippolyte, c’est toi qui l’as nommé,) je vous dirai donc qu’attendu le malheur de notre nature corrompue, nous sommes tous plus ou moins sensibles à la vive peinture des passions, et que celle de l’amour étant la dernière mourante chez les hommes, le moindre souffle d’amour vertueux ou corrompu, le réveille dans tous les hommes, comme le moindre petit zéphyr est capable d’agiter les feuilles ; que cela n’est point l’effet de la disposition du cœur de quelque homme en particulier, que c’est la faute de la machine prise dans toute son étendue. […] Or, si des Auteurs l’ont nommé la fièvre chaude de la raison, l’étonnement doit cesser pour les délires qui l’accompagnent. […] Ariane même, que j’ai quelque scrupule de nommer après le chef-d’œuvre du Théâtre, Ariane a bien accoutumé les Spectateurs aux frénésies de l’amour jaloux : c’est pour vous dire qu’on se fait toujours bonne composition sur ce qu’il y a de plus furieux dans un rôle tendre, et qu’on en détache l’odieux pour n’en prendre que le sensible, comme je pense l’avoir avancé dans ma Satire.