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98. (1759) L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève « CHAPITRE I. Où l’on prouve que le spectacle est bon en lui-même et par conséquent au-dessus des reproches de M. Rousseau. » pp. 13-64

Il a senti qu’il ne s’agissait pas de faire d’autres hommes, mais seulement de leur apprendre à tirer de leurs mœurs et de leur génie tous les avantages que la nature y avait déposés et que la raison en devait attendre. […] Arlequin est pour eux un modèle à qui la nature les fait désirer de ressembler, et il n’est pas douteux qu’il serait à souhaiter pour le bien de la société politique que ses Chefs aussi bien que tous ses membres eussent toujours un pareil modèle sous les yeux. Le spectacle leur offre ce modèle, il est donc très sage de les exhorter à venir souvent l’y voir, pour leur faire contracter l’habitude de ces idées qu’ils n’admirent en lui que parce que la nature leur a donné les dispositions nécessaires à les admirer. […] Un habile Dramatique, à force d’étudier la nature du cœur humain, en connaît tous les ressorts ; il sait les ajuster, les réunir, et rassembler leurs forces, pour en augmenter la puissance. Il est certain que nous ne serons pas toujours si sensiblement émus par la nature que par l’art, parce que la nature n’est pas accompagnée toujours de l’assemblage de ces expressions touchantes et de ces traits pénétrants que l’art emprunte d’elle, mais qu’il rassemble et multiplie pour opérer de plus grands effets.

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