/ 451
76. (1781) Réflexions sur les dangers des spectacles pp. 364-386

Vous avez établi des lois sages et sévères contre ces monstres de nature qui trafiquent de leurs enfans, qui sacrifient le sentiment précieux de la paternité à la bassesse de l’intérêt. […] Mais que dans l’essor de la première jeunesse, dans la crise du développement des qualités qui font le Chrétien et le citoyen, un enfant soit arraché à ses foyers paternels pour passer sous la puissance d’une troupe errante, pour faire avec le sacrifice de sa patrie celui de ses mœurs et de son honneur ; c’est un vol réel fait à l’Etat, c’est un crime de lèse-société humaine, aussi odieux en lui-même, qu’effrayant pour la contagion de l’exemple… Si dans une république où l’esprit d’intérêt étouffe les sentimens de la nature, où l’on vend et achète les hommes comme les ballots de toiles d’Inde, où la valeur n’est comptée pour rien, où le plus actif guerrier est moins considéré que le banquier le plus indolent, la législation ne s’occupe point d’un abus de cette espèce, c’est dans la nature même de son gouvernement et dans le génie de ses peuples, qu’elle trouvera les raisons de son indifférence. […] La nature de l’homme ne comporte point un état exempt de cette espèce de commotion qui troublant sa situation habituelle, renforce l’énergie de ses facultés et en affermit l’usage. […] « Mais qu’est-il besoin d’exemples et de faits dans une matière où la simple raison déploie toutes ses lumières, où la nature même de l’homme, la trempe et la constitution de son cœur déposent contre les effets funestes du théâtre ? […] Une jeunesse vermeille et vigoureuse est devenue une espèce de phénomène dans l’ordre de la nature vivante ; des teints pâles et livides, une marche chancelante, des regards hébétés et languissans, voilà ce que présente l’âge de la croissance et de l’énergie vitale….

/ 451