Ce seroit, ou ne pas sçavoir la force de ces objets, ou ignorer la foiblesse de nôtre nature, ou se faire une vertu chimérique, ou, par une vaine présomption, vouloir trouver sa seureté au milieu des écüeils. […] C’est un principe universellement receü de l’Ecole, que, quand quelque chose de sa nature porte au péché, l’on ne peut pas en user librement, sans pécher ; cela parle de soy, sans autre preuve, à un esprit, qui a seulement un petit raïson d’intelligence : Remontez maintenant à ce que je viens de dire de la comédie, dont toutes les circonstances n’ont rien, qui de soy-méme ne donne quelque penchant au péché. Si ce principe donc, que j’ay avancé, est recevable, l’aplication en estant faite à la comédie, je vous laisse le jugement du péché, qui se peut commettre en y allant l’effet, qui part d’un principe, tenant toûjours de la nature de son principe. […] Mais la preuve de ce que je dis se fortifie beaucoup, par la nature de plusieurs piéces de théatre, qui font aujourd’huy le plus agréable divertissement des auditeurs ; car souvent, ou elles sont toutes bouffonnes, ou elles peuvent passer pour impies, estant une chose trop connuë, qu’on en a veü, qui tournoient toute la dévotion, & la pieté en ridicule. […] Elle, qui sans cela peût-être n’auroit jamais sçeü ce que c’est, que du mal, & qui n’en avoit, ny la pensée, ny les idées, le voyant alors si bien dépeint sur le Théatre avec toutes les couleurs, de la parole, d’une expression douce, & de la déclamation ; Elle, dis-je, commence à sortir de la sainte ignorance, où elle estoit, &, ce que la nature ne luy avoit pas encore apris, des Comediens, & des Comediennes le luy aprennent, comme les nouveaux Maîtres de son premier mal-heur.