Il en faut aux hommes, de quelqu’espèce que ce soit : & s’il est vrai que la Nature, dans ses effets, la Société dans ses évènemens, ne leur en fournissent de piquans, que de loin à loin, ils auront grande obligation à quiconque aura le talent d’en créer pour eux, ne fût-ce que des fantômes, & des ressemblances, sans nulle réalité. […] La nature étant la même par-tout, & dans tous les hommes, savans & ignorans, grands & petits, peuple & non peuple, il n’était pas possible qu’avec le tems, les Spectacles n’eussent pas lieu dans la société humaine : mais de quelle espèce devaient-ils être, pour faire la plus grande impression de plaisir ? » On peut représenter les effets de la nature, une rivière débordée, des rochers escarpés, des plaines, des forêts, des villes, des combats d’animaux ; mais ces objets, qui ont peu de rapport avec notre être, qui ne nous menacent d’aucun mal, ni ne nous promettent aucun bien, sont de pures curiosités ; ils ne frappent que la première fois, & parce qu’ils sont nouveaux : s’ils plaisent une seconde fois, ce n’est que par l’art heureusement exécuté. […] Il y a dans les Indes une Religion qui défend comme des crimes les plaisirs les plus innocens ; qui force les hommes dont elle s’est une fois rendue maitresse, à vivre dans la terreur, l’angoisse, les gémissemens ; qui, sous prétexte d’une félicité plus qu’incertaine, charge ses aveugles Sectaires de pratiques difficiles, déraisonnables, contraires à la nature, & destructives de la société. […] Sois heureux ; jouis des biens qui te sont prodigués par la Nature ; goûte l’inexprimable volupté d’être homme & le roi de la moitié de la création ; aime tes parens, ton ami, ton concitoyen ; chéris celle dont le chaste sein renferme le plus grand des trésors, des hommes qui te devront le nom de père ; vis avec elle, dans une tendre, une paisible union ; voila les seules bonnes œuvres qui plaisent à l’Éternel, à ce Brama que tu révères.