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31. (1765) De l’éducation civile « De l’éducation civile » pp. 76-113

De tels hommes ne cherchoient point, dans les Lettres, un stérile amusement, ni la réputation plus stérile encore d’Ecrivains élégans : elles étoient, entre leurs mains, un moyen puissant de captiver les esprits, & de régner sur les cœurs ; au lieu que parmi nous, les Lettres ont été, ou entiérement méprisées, ou le plus souvent regardées comme le partage de quelques hommes obscurs qui ne pouvoient aspirer à rien de grand, & qui n’y cherchoient qu’un frele asyle contre l’indigence. […] Il encouragea, par de solides bienfaits, l’étude des Langues savantes ; il conféra des Magistratures & des Charges aux hommes distingués par leurs talens, & ne négligea aucun moyen d’exciter l’émulation dans le cœur de ses Sujets. […] Mais il ne suffit pas de connoître la nature du mal, il faut indiquer le remede, & les moyens les plus sûrs d’en faire l’application. […] L’étude des Philosophes leur fera naître des doutes, & leur fournira en même temps les moyens d’en trouver la solution ; la lecture des Historiens leur apprendra à connoître l’homme dans toutes ses variétés ; les Orateurs leur présenteront le modele de la façon dont on doit s’énoncer dans les occasions importantes ; les Rhéteurs leur découvriront les secrets de l’art de dominer sur les esprits ; les Poëtes eux-mêmes contribueront de plus d’une manière à les enrichir : ils leur offriront la Nature embellie des charmes de leur imagination, & leur prodigueront des maximes puisées dans le sein de la Philosophie ; & qui, pour n’être pas entiérement développées, n’en sont souvent que plus propres à faire une vive impression. […] Mais en vain la nature nous offre les moyens de nous rendre heureux, si notre inapplication & notre lâcheté nous empêchent d’en profiter.

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