On voit que, malgré sa rudesse, il sait pardonner aussi les injures ; puisqu’il veut bien oublier les perfidies de Célimène, pourvu qu’elle prenne le seul moyen qui lui reste de réparer le mal qu’elle a commis et d’éviter les rechutes ; moyen qui consiste à s’éloigner des séductions, à se retirer avec lui dans une solitude, comme alors on se retirait seul dans un couvent par des raisons semblables sans que personne y trouvât rien de bien ridicule. […] Il me paraît sensible que c’est encore sans juste raison, sans nécessité et malheureusement que Molière a employé un moyen extrême, l’arme terrible du ridicule, contre le probe, le délicat et trop sensible Alceste. […] Et si je croyais que ce rejeton dût être aussi fécond que sa tige, je n’en excepterais même pas ceux qui ont le moyen de prouver leur bon cœur par de grands sacrifices ; car l’égoïsme, ou la malignité, saurait trouver aussi quelque principe vicieux à leurs bonnes actions ; et les aumônes faites aux pauvres ne prouveraient pas mieux la pure bienfaisance que les offrandes faites à l’église ne prouvent la vraie religion depuis le jeu qu’on a fait du culte extérieur. […] en temps de guerre, pendant le cours de la plus terrible calamité, à l’époque où les gouvernements donnent déjà, avec trop peu de succès à ceux qui peuvent les seconder, le signal et l’exemple des divers moyens à prendre pour concourir avec eux à adoucir les rigueurs de ce temps de souffrance, où les arts, les métiers et le commerce, languissent, où les malheureux fourmillent dans toutes les professions et sur tous les points de l’Europe ! […] Voilà d’autres raisons de convenir que vouloir perfectionner les hommes par des moyens indirects, ou vagues et violents, est une folie, ou une erreur dangereuse, d’après laquelle on les a tant et si imprudemment tourmentés qu’on les a excédés et conduits à jeter le masque de leurs infirmités dont ils ont fait parade depuis.