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230. (1694) Réfutation des Sentiments relâchés d'un nouveau théologien touchant la comédie « Réfutation des sentiments relachés d'un nouveau Théologien touchant la Comédie. » pp. 1-190

Ceux que vous appelez réformateurs, page 45, par une raillerie qui leur est fort agréable et fort honorable ont raison de vous dire, que quoiqu’on ne voit plus sur la Scène les licences des Anciens, il reste pourtant toujours quelque chose de cette première corruption déguisée sous de plus beaux noms, qu’on ne joue aujourd’hui aucune Pièce où il n’y ait quelque intrigue d’amour, où les passions ne soient dans tout leur éclat, où l’on ne parle d’ambition, de haine, de jalousie, et de vengeance ; ils pourraient ajouter que la plus belle Pièce est celle où 1’amour est traité d’une manière plus délicate, plus tendre et plus passionnée ; et que sans cela quelque belle qu’elle soit d’ailleurs, elle n’a d’autres succès que celui de dégoûter la plupart des spectateurs, et de faire mourir de faim les Comédiens ; que toute la différence de la beauté des Pièces ne consiste pas tant dans la beauté des Vers, mais dans les diverses manières de traiter l’amour, soit qu’on le fasse servir à quelque autre passion, pour la relever et lui donner de l’éclat, ou bien qu’on représente l’amour comme la passion qui domine dans le cœur. […] Le venin a entièrement gagné son cœur, il faut qu’elle en meure : ainsi cette jeune personne a pris plaisir à la Comédie. […] Il demeura d’accord de tout cela, en ajoutant cependant, j’ai une grosse famille à nourrir, je n’ai pas d’autre métier pour l’entretenir, je ne puis me résoudre à la voir mourir de faim après l’avoir mise au monde : tout ce que je puis faire, c’est de mettre mes enfants dans un autre chemin que celui dans lequel je suis malheureusement engagé. […] Comme la mort de ces deux Comédiens avait été semblable presque dans toutes les circonstances, leur enterrement ne fut pas beaucoup différent ; et quelques instances que pût faire toute la Troupe Comique, quelques mouvements qu’elle se donnât, elle ne put jamais engager Monseigneur de Paris à faire enterrer les Comédiens, que d’une manière qui répondît à l’indignité de leur profession, quoique l’on dît que Molière avait demandé un Confesseur avant de mourir, ce qui était un signe qu’il voulait renoncer à sa profession : tous ceux qui meurent encore sans avoir renoncé, doivent s’attendre à pareil traitement.

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