Si Britannicus meurt, quoi qu’innocent ; c’est pour servir au caractère de Néron, et le faire détester davantage : Si Géta est assassiné, sans l’avoir mérité ; c’est pour mieux peindre la cruauté de son frère : si Hyppolite périt ; c’est pour charger le crime de Phèdre : ainsi ce n’est pas sur les personnages qui meurent que tombe ce qu’on appelle la catastrophe ; mais sur ceux qui commencent et qui conduisent l’action à une bonne ou à une mauvaise fin, et qui excitent le plaisir ou l’indignation des Spectateurs suivant les circonstances du sujet. […] Stilicon donne le nom à la Tragédie de Thomas Corneille, non parce qu’il meurt, mais parce que c’est lui qui commence l’action, qui y donne le mouvement, et qui la conduit à sa fin. […] A l’égard de la compassion que l’on peut avoir pour les personnages qui meurent, elle ne doit point balancer l’horreur que l’Auteur de tant de carnage inspire ; et c’est, comme je l’ai déjà dit et comme je le pense, l’horreur du crime, ou l’amour de la vertu, qui établit la catastrophe. […] Médée ne meurt pas ; mais elle doit être regardée comme la plus méchante des femmes, et la plus cruelle des mères ; et son nom sera toujours en abomination dans la mémoire des hommes. Voilà la catastrophe qui tient lieu de châtiment à Médée, et qui est d’une grande instruction pour les Spectateurs ; si Médée mourrait, je suis persuadé que le Spectateur n’en serait pas si touché.