Si parmi les calomnies que les Païens faisaient aux Chrétiens, on s’était avisé de leur reprocher que tandis que notre Religion condamne le Paganisme dans tous ses chefs, elle en suit la licence en plusieurs points ; qu’avec une morale austère qui donne des bornes si étroites aux plus honnêtes divertissements, elle permet les joies et les fêtes des Païens ; que ses lois toutes pures, toutes saintes qu’elles sont, ne laissent pas d’autoriser en certains temps le libertinage : et que sévère ou indulgente, selon les diverses occurrences, elle permet en certains jours de l’année la dissolution et les débauches, qu’elle défend en d’autres temps : si l’on eût osé faire cet injurieux reproche aux Chrétiens, avec quelle hardiesse, avec quelle indignation eût-on d’abord crié, et avec raison, au mensonge, à la calomnie ? […] Pour peu qu’on ait de Religion, on ne peut s’empêcher de condamner les réjouissances et les mascarades du carnaval, on ne peut ignorer que l’Evangile ne condamne le bal, les spectacles, et les assemblées profanes ; mais on s’étourdit à plaisir sur ce point de morale comme sur bien d’autres. […] Que de gloses sur la morale outrée ! Ainsi méprisait-on autrefois les salutaires avertissements, et la morale des plus saints Patriarches de l’ancienne loi. Mais quand les beaux jours commencèrent à s’obscurcir, que le Ciel irrité répandait ses torrents et que la mer en courroux ne reconnaissait plus de bornes ; quand les eaux du déluge ayant interrompu tous les plaisirs, portaient l’effroi avec la mort jusques sur le sommet des plus hautes montagnesd : alors pensait-on que la morale avait été outrée, et qu’elle portait à faux ?