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43. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre XIV. De l’usage de composer des Pièces, ou des Rôles pour un ou plusieurs Acteurs. » pp. 219-233

N’est-il pas singulier que vous mettiez pour ainsi dire dans la balance les gestes, les regards, les efforts de poulmons, les coups de gosier d’un Acteur, avec vos plans, vos situations, vos expressions ? […] Si vous avez en vûe quatre ou cinq de ces jeux, pour les employer dans la représentation de votre Poëme, il arrivera infailliblement, ou que vous mettrez trop près l’un de l’autre des objets qu’il auroit fallu éloigner, ou que vous en séparerez d’autres qui devoient se rapprocher ; ou enfin que pensant sans cesse à ces divers jeux, vous ferez mal parler un personnage qui refroidira l’action. […] C’est un ressort étranger qui met en mouvement une belle machine qui sembloit en repos, mais qui n’ajoute rien à sa perfection ; puisque le mouvement n’est qu’un accident, une modification qui n’est ni bonne ni mauvaise par elle-même. […] Un Auteur qui a mis tous ses soins à faire un bon Poëme, peut jetter un coup d’œil sur celui qui doit en représenter le Héros. Mais ce ne doit être que pour se juger soi-même, se mettre en présence de l’Acteur & du Spectateur à la fois, & s’assurer si ce que l’un dit contente l’autre.

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