L’amour, je parle de celui qui peut faire le sujet d’une Comédie, est nécessairement une passion criminelle, qui devrait toujours être suivie de malheurs, comme elle est précédée de traverses, si on ne la mettait sur le Théâtre que pour l’instruction des Spectateurs et pour la correction des mœurs. […] Les Modernes, au contraire, n’ont adopté que le faible de cette passion, qui, dans ce point de vue, n’est propre qu’à corrompre, comme nous l’avons dit ; et il y a même cette différence entre les Modernes et les Anciens, que les Anciens n’ont mis l’amour sur leur Théâtre que très rarement, et que les Modernes en ont fait le motif principal et le fondement de toutes leurs fables. […] Les quatre sortes de sentiments que je viens d’indiquer sont tels que, s’ils étaient mis sur la Scène avec tout l’appareil propre à en faire valoir l’intérêt, ils ne pourraient manquer de remplir l’objet que l’on doit se proposer, qui est de corriger et d’instruire ; mais on ne saurait disconvenir que la passion de l’amour, ainsi qu’on a coutume de nous la représenter, ne produise des effets tout contraires. […] Je suis surpris qu’il n’arrive pas au Théâtre moderne ce qui arriva à celui d’Athènes, où les Spectateurs, ennuyés d’entendre depuis longtemps des chansons Dionysianes, crièrent tous unanimement, plus de Bacchus, plus de Bacchus ; et que notre Parterre ne se mette pas à crier, plus d’Amour, plus d’Amour.